dimanche 11 octobre 2009

Dans les griffes de l'ombre rouge, 1981

En 1981, un hors série des Cahiers du Cinéma est consacré au film Dans les griffes de l'ombre rouge de Jean-Louis Comolli. Il présente l'histoire du film et est illustré par des photos du film et des dessins de Ted Benoit.

La couverture du magazine :


Une page titre très Blake et Mortimer :



"On ne trouvera pas dans cet album le simple décalque du film L'Ombre rouge. L'histoire y est, mais pas sous l'espèce du scénario. Comme un récit dialogué, plutôt, qui s'impose d'autres rythmes et d'autres passages que ceux du script, qui zigzague entre d'un côté les textes historiques et de l'autre côté la suite des dessins. Dessins qui ne sont évidemment pas non plus tout à fait les images du film, mais qui les déplacent, les déclinent selon la courbe d'un autre espace, d'un autre découpage de l'action, des corps et du temps..."

Une sélection de dessins de Ted Benoit :









Dans le Mode d'emploi on trouve également quelques propos de Ted Benoit :


Mon premier souvenir politique est la mort de Staline. La une de l'Humanité étalée sur le dessus de lit jaune tranche de Série Noire - le même que celui de la laque grumeleuse de la salle de bains - figurant le cadavre, la famille pétrifiée, la consternation générale, le premier grand-père disparu.


J'ai pris un terrible plaisir à dessiner les cases où l'on proférait des choses comme "... le camarade Staline fait ceci...", "... le consensus...", "...le mouvement ouvrier..." etc.


Je suis absolument incapable de dessiner une case bourrée d'émotion. Je soupçonne d'ailleurs la bande dessinée d'être tout à fait non-conductrice de ce courant-là. La maximum qu'on puisse espérer, c'est que le noeud dans lequel se trouve squeezé le pauvre gars se charge d'un tel dérisoire que le lecteur s'exclame "Oh non! C'est trop dur! Pas ça! Rendez-lui sa dignité!", et commence à compatir sérieusement. Mais pour ce qui est de mettre en scène les idéologies, dans leur raideur et leur hautaine vacuité, cette espèce d'art mal foutu est parfait. Remplaçons "rascal" par "social-traître" et "Malédic...! Voilà mon plan à l'eau!" par "Matérialisme dialec...! La dictature du prolétariat est définitivement compromise!". Voilà qui fonctionne aussi bien et est tout aussi lourd de sens. Mettons maintenant le malheureux héros en demeure de surnager dans cette mer de concepts, et nous avons une histoire.


Avec tous ces petits enfants qui ont sauté sur leurs genoux, avec chacun son petit Futurama peuplé de clones reconnaissants, imperméables aux doutes, les grands-pères , tels Walt Disney, se survivent si bien qu'on se demande à quoi sert la mort.

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